Le lundi 15 au matin j'(ai répondu à l’invitation du président et de la rapporteure de la commission parlementaire d’enquête sur le montage juridique et financier du projet d’autoroute A69.

J’étais auditionné avec la directrice territoriale Occitanie de Sncf Réseau, Catherine Trevet.

Je reproduit les questions écrites avec les éléments de réponse, il y a eu des questions orales complémentaires, l’audition a duré une heure et quarante minutes.

  1. La ligne Toulouse-Castres-Mazamet est une ligne de 104 kilomètres à voie unique, non électrifiée. Comment qualifiez-vous l’état actuel de la liaison ferroviaire entre Toulouse et Castres ? La situation est-elle similaire sur les lignes régionales comparables, comme Toulouse-Albi ou Toulouse-Montauban ? À quand remontent les derniers travaux de rénovation de cette ligne ?

Cette ligne fait partie du réseau ferroviaire national ouvert au trafic. Elle bénéficie dès lors de la maintenance assurée par le gestionnaire d’infrastructure SNCF Réseau.

S’agissant de la rénovation, cette ligne a bénéficié des investissements du Plan Rail Midi-Pyrénées et du Plan Rail Occitanie. A ce titre elle comporte les enjeux de renouvellement comparables à un grand nombre de Lignes de Desserte Fine du Territoire en Occitanie. Cependant, en raison des travaux lourds de renouvellement réalisés au cours des 15 dernières années et contrairement à d’autres lignes d’Occitanie, sa pérennité n’est pas menacée.

Et ce d’autant moins que dans le cadre du Plan Rail Occitanie, la ligne bénéficie d’opérations de régénération régulières (avec ou sans fermetures de ligne). Les derniers travaux sur le secteur portaient en 2023 sur la mise au gabarit des lignes au niveau des gares de Lavaur et de Castres ainsi que sur le traitement de la voie pour lever des limitations de vitesse sur la ligne. En 2024, des opérations sur des ouvrages hydrauliques sont programmées ainsi que des opérations de renouvellement voie et ballast.

La situation de la ligne Toulouse-Castres est comparable à celle relevant de la même catégorie (classement UIC) et ayant été renouvelé dans un calendrier similaire (Toulouse-Albi, Toulouse-Auch, Toulouse-Figeac).

La ligne Toulouse-Montauban n’est absolument pas comparable puisque relevant d’une catégorie du réseau structurant, bénéficiant d’installations beaucoup plus performantes (double-voie et passage à 4 voies entre Toulouse et St-Jory), circulées par un plus grand nombre de trains et pas uniquement des trains régionaux comme c’est le cas entre Toulouse et Castres. Enfin la ligne est 2 fois plus courte (51 km) que celle de Toulouse-Castres-Mazamet.

 

  1. Quelle est la fréquentation quotidienne de la ligne Toulouse-Castres-Mazamet ? Quelle est la fréquence des trains ? Quel est le nombre d’allers-retours par jour ? Estimez-vous que la ligne est saturée, dans son ensemble ou en partie, comme sur la portion Toulouse-Saint-Sulpice ?

La fréquentation quotidienne de la ligne varie entre 1400 et 2000 voyages par journée de semaine (du lundi au vendredi) et environ 1000 voyages par jour en week-end.

La desserte actuelle est de 12 allers-retours du lundi au vendredi, 5,5 allers-retours le samedi et le dimanche, permettant une fréquence d’environ un train par heure en pointe et un train toutes les deux heures en heures creuses.

Cette desserte est évidemment plus dense sur le tronc commun Toulouse/St-Sulpice également emprunté par les trains desservant Albi, Rodez et Figeac.

Le doublement de 20 km de voies entre Toulouse et Saint Sulpice dans le cadre du Plan Rail a permis d’augmenter la capacité de cette section de ligne souvent citée comme la ligne de voie unique la plus circulée d’Europe. Cette capacité supplémentaire a permis de développer le niveau de desserte et surtout d’en améliorer la fiabilité grâce à l’installation en parallèle d’une nouvelle signalisation (commande centralisée).

Pour autant, il demeure encore certains obstacles à l’augmentation du nombre de train et de la capacité d’emport de voyageurs sur la section Toulouse/St Sulpice :

  • 2 tunnels restés en voie unique qui constituent dès lors des goulets d’étranglement dans l’organisation des circulations ;
  • Au-delà de la voie, le gabarit de ces 2 tunnels ne permet pas l’utilisation de trains à 2 niveaux ;
  • Cette ligne n’étant pas électrifiée, seuls des trains thermiques peuvent circuler. Or ces trains sont moins performants que des trains électriques.

A noter, l’électrification de la ligne est la deuxième condition nécessaire à la circulation de trains à 2 niveaux , ces derniers n’existant pas en traction thermique.

  • Enfin, les capacités d’accueil en gare de Toulouse Matabiau sont extrêmement limitées.

 

  1. Quel est le prix moyen pour un trajet Toulouse-Castres en train ?

 

  Billet plein tarif
Toulouse-Castres 19,80 €
Toulouse-Mazamet 23,10 €

La notion de prix moyen n’est pas appropriée pour qualifier les conditions d’accès au service du point de vue tarifaire.

Dans les faits, la recette moyenne enregistrée par voyage ferroviaire sur l’origine-destination Toulouse-Castres est de 5,94€ (à comparer au plein tarif de 19,80€).

Ce montant tient compte des ventes plein tarif mais aussi de tous les voyages à prix réduits voire gratuits proposés dans le cadre de la gamme tarifaire liO trains. Cet écart traduit le succès de cette gamme. Par ailleurs, il correspond à la recette moyenne perçue et non au coût pour l’usager puisque s’agissant des actifs, 50% (jusqu’à 75% pour les fonctionnaires) peuvent être pris en charge par l’employeur.

  1. Les possibilités d’intermodalité avec le train vous semblent-elles satisfaisantes ?

Le réseau liO train est fondamentalement tourné vers l’intermodalité au travers l’effort de la Région sur le développement des PEM.

Les aménagements déployés au niveau des points d’arrêts ferroviaires et a fortiori des PEM favorisent la combinaison avec d’autres modes de déplacements :

  • les modes doux, avec une politique d’accompagnement sur l’équipement des gares en stationnements vélos sécurisés,
  • Le stationnement pour les VL,
  • Les emplacements co-voiturage, …
  • Et bientôt : expérimentation de services de location de vélos (Toulouse-Montauban)

Exemple du PEM de Castres : Il a fait l’objet d’un accompagnement régional (projet de 3,9M€ dont 1.6M€ de fonds régionaux). Sa mise en œuvre a été un acte fondateur de la multimodalité sur la ligne ferroviaire, permettant également de rediriger des lignes urbaines et régionales sur la nouvelle gare routière créée sur le même site que la gare ferroviaire, et d’aménager un nouveau parc de stationnements créant 100 places supplémentaires pour les voitures et accompagnant la politique régionale en matière de covoiturage.

  1. Quelles sont les infrastructures logistiques existantes pour le fret ferroviaire entre Toulouse et Castres-Mazamet ? La liaison ferroviaire actuelle permet-elle un développement satisfaisant du fret ? Existe-t-il une demande qui justifierait la modernisation de la ligne et, sous réserve de disponibilités foncières, la construction de plateformes logistiques ?

La plateforme ferroviaire entre Toulouse et Castres-Mazamet peut accueillir du fret ferroviaire mais limité dans la nature de ses transports, la ligne étant classée en charge C (20t maximum par essieu). Le maintien de l’accès aux trains de fret a été une condition fixée en 2007 par la Région lors de la signature du Plan Rail.

La ligne bénéficie également à Castres d’une cour marchandises ainsi que d’une Installation Terminale Embranchée (ITE). La cour marchandises est active et utilisable, même si certaines de ses voies sont mutualisées avec des fonctions de défense nationale, mobilisables par le Ministère des Armées. L’embranchement particulier à Castres continue de donner lieu au paiement de redevances annuels d’usage mais semble non fonctionnel car dénuée d’aménagements sur sa partie privative.

Le développement des services de fret serait tout autant limité par le nombre restreint d’infrastructures logistiques fonctionnelles que par les contraintes de sillons rencontrées par la ligne ainsi que par la charge à l’essieu.

Outre les installations fonctionnelles citées, la ligne comprenait il y a quelques années un Centre de Transports Combiné à la Robinarié, à l’entrée de Mazamet, ainsi qu’une cour marchandises à Labruguière et des embranchements particuliers entres Castres et Mazamet. L’absence d’utilisation de ces installations démontre la faible demande sur le secteur pour de telles activités.

Le site de la ZAC des Portes du Tarn à Saint-Sulpice est traversé par la voie ferrée et serait potentiellement embranchable.

  1. Selon la région Occitanie, le coût de la réhabilitation de la liaison ferroviaire, avec doublement de la voie et électrification, serait proche d’un milliard d’euros, dont notamment plus de 800 millions d’euros pour le doublement de la voie et 100 millions d’euros pour son électrification. Pouvez-vous décrire précisément les calculs qui ont permis d’arriver à cette estimation ? Est-il nécessaire de doubler la voie sur l’ensemble de la ligne ?

L’estimation des doublements de voie a été établie sur la base de ratios au kilomètre issus d’études de SNCF réseau au niveau PRO, appliqué au linéaire de la ligne Toulouse-Castres-Mazamet. Cette estimation a par ailleurs été ramené aux conditions économiques courantes

Une méthode comparable a été utilisée (ratio au kilomètre indexés) pour les hypothèses d’électrification.

L’enjeu de doublement de la voie ne pourrait être apprécié plus avant qu’en regard d’objectifs de service précis et dans le cadre d’études ad’hoc.

Un dire d’expert a été demandé à SNCF Réseau et conduit à cette estimation de 669 M€ au CE 2023 soit de l’ordre de 1 Md € courants (cf courrier à LFI).

Sur cet aspect, puisque la Directrice de SNCF Réseau Occitanie a également été convoquée à cette audition, elle est plus légitime à s’exprimer en tant que représentante du gestionnaire d’infrastructure du réseau ferré national.

  1. Estimez-vous que la possibilité de réhabilitation de la liaison ferroviaire actuelle a été sérieusement prise en compte et étudiée dans les études préalables au projet de l’A69 ?

Oui, les projets de régénération d’ensemble de la ligne ont apporté la lisibilité nécessaire à l’enjeu pour la pérennisation de la ligne ainsi que les freins nécessaires à son développement. En outre, les enjeux de dessertes, et en particulier la faible densité d’arrêts intermédiaires sur la ligne ferroviaire ainsi que son tracé différent du projet A69 ont été identifiés.

Le dossier d’enquête publique préalable à la DUP contient en son volume 6, pièce g, l’évaluation sociale et économique du projet d’autoroute A69. À la période de la rédaction de cette évaluation, la région et la SNCF ont-elles été consultées par l’État sur l’état de l’offre ferroviaire et les conséquences de l’A69 sur cette offre ?

Oui, l’ensemble des autorités organisatrices de mobilités ont été consultées (les CD 31&81 étaient encore AOM à cette date-2016).

Extrait page 51 : Synthèse des effets du projet sur les autres modes de transport

« Sur le ferroviaire, l’impact du projet sera faible, car l’aire de desserte entre les deux infrastructures n’est pas la même. Les deux infrastructures sont toutefois complémentaires du point de vue de la couverture territoriale, ce qui conforte le développement de l’infrastructure ferroviaire engagé (doublement de la ligne Toulouse – Saint Sulpice, rénovation des voies sur l’axe Saint Sulpice – Castres – Mazamet, …). ».

  1. L’arrêté du 1er mars 2023 portant autorisation environnementale indique que « la comparaison entre le fer et la route sur l’itinéraire Castres-Toulouse est défavorable au mode ferroviaire notamment du point de vue du temps de trajet (1h15 en moyenne contre 50 à 54 minutes en moyenne) ». Le gain de temps sur un trajet en voiture est-il comparable au gain de temps sur un trajet en train ? Estimez-vous que ce gain de temps est correctement valorisé sur le plan économique ? Avez-vous une idée des points de départ et point d’arrivée pris pour le trajet en voiture, pour servir utilement de comparaison avec le trajet en train ?

L’instruction ministérielle du 16 juin 2014 définit le cadre général de l’évaluation socio-économique des grands projets d’infrastructures.

Les gains de temps ne sont pas les seuls effets pris en considération parmi les effets monétisables ou les effets non marchands et la caractérisation d’un projet, notamment par rapport à un autre ne semble pas pouvoir se résumer à l’unique comparaison des gains de temps potentiels.

Nous n’avons pas d’idée des points de départ et d’arrivée pris pour le trajet en voiture pour servir de comparaison avec le trajet en train.