Alors que l’information de l’abandon de la ligne ferroviaire Perpignan St Charles circulait en catimini dès juillet 2018, il aura fallu attendre mars de cette année pour que le Conseil Régional Occitanie soit enfin informé !

Immédiatement s‘est tenue une réunion sur place avec tous les acteurs de la filière, et j’ai rappelé combien la région était attachée au maintien de cette liaison, attachée à son développement. Quelques jours plus tard, à l’occasion de salon SITL de Paris, j’ai interpelé directement le Président Jeantet afin que SNCF sursoit à sa décision de suppression du dernier train de primeurs, et garantisse le sillon pour les deux ans nécessaires à la mise en œuvre d’une solution alternative pérenne. Notre Présidente de Région, Carole Delga, a expressément demandé à Guillaume Pepy confirmation écrite de cette garantie, rappelant les enjeux environnementaux et économiques d’une surenchère du transport routier, et son impact négatif avéré, première source de gaz à effet de serre. L’abandon du report modal irait à l’encontre de toutes les préconisations et de tous les dispositifs contractualisés un peu partout à travers la planète.

Chacun se souvient de l’ambition de notre feuille de route issue des Etats Généraux du Rail et de l’Intermodalité, et de son chantier 9 concernant le fret, je n’y reviens pas.

Afin d’éviter une catastrophe, j’ai présidé une rencontre de travail ce 9 mai, en présence des chefs d’entreprise du négoce de fruits et légumes, des acteurs de la plateforme Saint Charles, de sa direction, du cluster logistique d’Occitanie, des élu-e-s du Val de Marne, d’Ile de France, du conseil départemental des Pyrénées Orientales, de la communauté d’agglomération de Perpignan,  de l’Observatoire Régional des Transports, des représentants CGT des salariés du fret et des cheminots.

A un mois de l’arrêt du train, un point d’étape sur l’avancée du dossier fret Saint Charles me semblait indispensable.

 Je n’ai fait aucun mystère de mon agacement devant cette assemblée à propos de la façon dont Mr Pépy a su « botter en touche », nous renvoyant en réponse à notre courrier une sollicitation de sa filiale VIIA, se dérobant ainsi devant ses responsabilités, tout en étant absolument au courant que le motif du sillon, demandé et accordé pour une année complète, ne pouvait être invoqué pour justifier d’abandon de la liaison au 30 juin.

Ce train emblématique, composé de wagons réfrigérés, court et rapide, adapté au commerce des fruits et légumes, possède toutes les caractéristiques optimales pour le transport de ces marchandises. Les horaires de départ et d’arrivée sont excellents car ils permettent de réaliser des opérations de groupage sur la plateforme jusqu’en début d’après-midi (suite aux arrivages dans la matinée des marchandises en provenance de l’Espagne et du Maroc). Un départ de St Charles entre 17H et 17H30 permet d’arriver à l’intérieur du marché de Rungis entre 4h et 4h30 du matin. On comptait 4 trains par jour au départ de Perpignan il n’y a pas si longtemps, mais la direction de la SNCF a décidé d’en supprimer progressivement, pour n’en maintenir qu’un seul avec six rotations /semaine, du lundi au samedi.

La direction de la SNCF, qui souhaite pour autant conserver le rôle de tractionnaire, demande aujourd’hui aux transporteurs de supporter financièrement l’opération de renouvellement des wagons en fin de vie. L’investissement est lourd, SNCF ne s’engage pas concernant la fiabilité du service et n’inspire pas la confiance nécessaire pour la mise en place d’un plan d’amortissement sur 10 ans.

Au moment-même où nous apprenions la fin programmée de ce train, VIIA, filiale de SNCF, lançait un nouveau train pour un trajet Barcelone-Perpignan-Luxembourg, annonçant du même coup le lancement en novembre d’un Barcelone Perpignan Rungis en autoroute ferroviaire (caisses mobiles plus remorques). Souvenons-nous que la plateforme du Boulou sur laquelle opère VIIA n’a plus beaucoup de possibilités d’extensions foncières et la manœuvre sur Perpignan pourrait, pour qui aurait l’esprit tordu, sembler correspondre à  une éviction pure et simple du train historique de primeurs des quais de St Charles, et procurer une place de choix aux projets de VIIA. Malheureusement les trains de VIIA,  longs, lents et lourds restent inadaptés au commerce des fruits et légumes frais, les horaires ne correspondant plus aux opérateurs perpignanais.

La direction du marché St Charles et le Cluster logistique ont organisé récemment des entretiens avec les principaux transporteurs concernés par l’arrêt de ce train. L’objectif : clarifier leur position quant à leur volonté réelle de faire du ferroviaire, déterminer leurs attentes en terme de services. Il en ressort les éléments suivants : une volonté de trouver une offre ferroviaire alternative répondant aux attentes des transporteurs existerait ; des besoins  multiples, vers une offre en combiné sous température dirigée qui devrait tenir compte de toutes les destinations, Valenton ou Rungis, et pour cette dernière destination avec l’impératif d’une heure d’arrivée à 4h, heure d’ouverture du marché ; l’offre à venir de VIIA sensée faire un stop à Perpignan, jugée peu adaptée, avec des horaires absolument incompatibles avec le marché.

Cette situation se produit dans un contexte où la profession toute entière prend conscience que le tout camion n’est pas la solution, que la hausse des prix du carburant continue inexorablement sa progression, que l’on constate une pénurie grandissante de chauffeurs et que l’enjeu de développement durable ne peut plus être balayé d’un revers de main. De plus, nous assistons à  une saturation de la capacité de transport, qui s’intensifie chaque jour un peu plus et le désarroi de la filière est bien réel.

J’ai demandé que le Val de Marne soit présent ce 9 mai pour que chacun entende à haute et intelligible voix que Rungis, qui fête cette année son cinquantième anniversaire, n’est pas doté d’équipement pour le transport combiné.

Compte tenu de l’urgence de la situation, il est primordial de travailler ensemble. J’ai clairement reçu l’aval et le soutien des importateurs. Ils indiquent vouloir être plus acteurs des aspects transports qui impactent de fait leur marchandises.

Les professionnels du négoce ne veulent plus d’une empreinte carbone galopante sur leurs marchandises, souhaitent s’engager à nos côtés, et s’exprimeront d’ailleurs dans ce sens d’ici peu. Je rappelle que le trafic de marchandises des Pyrénées représente plus du double de celui des Alpes !

 Dans ces conditions j’ai donc proposé la création d’un comité de pilotage qui, sous la présidence régionale Occitanie, mettra autour de la table,  les collectivités, l’ORT, les chargeurs, les transporteurs, le Cluster autour des problématiques relatives au maintien, puis à la pérennité de la liaison Perpignan-Rungis, en toute transparence, et sans évacuer aucun aspect de la question.

Je souhaite que les entités SNCF, Fret, Logistique, Réseau, et ses filiales, VIIA entre autres, se parlent et échangent quelques informations entre elles, et si je dois endosser le rôle du médiateur, et bien je m’y emploierai, une fois de plus ! De la même façon je souhaite que les transporteurs Rey et Roca et les chargeurs importateurs prennent la mesure des enjeux auxquels nous devons tous faire face. Les volumes sont là, la production en juillet doit circuler, le train doit rouler, les wagons ont encore – d’après la société de location des wagons – deux grosses années de vie devant eux, Rungis veut cette liaison, dont acte.

J’ai décidé de me rendre dans quelques jours au MIN de Rungis. Cette visite sera organisée par la présidence du conseil départemental du Val de Marne. Ce sera sans nul doute l’occasion de redire notre refus de l’augmentation du trafic routier de marchandises, l’occasion de rappeler l’enjeu d’intérêt général que représentent à la fois la bonne circulation du fret ferroviaire mais aussi le maintien pérenne de l’activité économique de notre plateforme logistique de Saint Charles Perpignan.