Je représentais la présidente Carole Delga lors de la cérémonie le 21 février au matin à Nîmes en l’honneur de l’entrée au Panthéon de Melinée et Missak Manouchian.

Ce fut un honneur de participer à cet hommage. Le devoir de mémoire est indispensable pour rappeler le sacrifice de ces « Français de préférence », de montrer ce lien entre internationalisme et patriotisme !

Le discours qui a été prononcé :

 » Missak Manouchian arrive à Marseille, avec son frère Garabed, en 1925. Il a fui la Turquie et le génocide. Son père est mort les armes à la main en s’opposant aux gendarmes turcs qui venaient le chercher. Sa mère succombe de la famine. Orphelins, les deux frères sont recueillis par une famille kurde, puis dans un orphelinat du Liban. Comme tant d’autres Arméniens, il a rejoint Marseille puis a travaillé comme menuisier dans un chantier de La Seyne.

Il a été accueilli à Marseille comme tous les étrangers l’étaient, avec cette méfiance raciste qui se manifestait alors contre tous les Orientaux qu’ils fussent juifs, arabes ou arméniens. Deux ans plutôt, le maire de Marseille avait envoyé une missive au préfet pour lui demander de prendre des mesures contre ces envahisseurs venus de la mer. Il lui écrivait, je le cite : « on annonce que 40 000 de ces hôtes sont en route vers nous, ce qui revient à dire que la variole, le typhus et la peste se dirigent vers nous, […], dénués de tout, réfractaires aux mœurs occidentales, rebelles à toute mesure d’hygiène, immobilisés dans leur indolence résignée, passive, ancestrale ».

Les deux frères rejoignent Paris. Missak travaille dans une usine de Citroën. Garabed meurt peu de temps après. Missak suit des cours du soir à la Sorbonne. Il est passionné par la littérature, il écrit et traduit de la poésie en français et en arménien. Après les émeutes de février 1934, il adhère au parti communiste et dirige le journal Zangou de la Section française du Comité de secours pour l’Arménie qui dépend, au sein de la CGTU, de l’organisation qui rassemble la main-d’œuvre immigrée, la MOI.

Lors de la mobilisation, lui l’apatride, s’engage comme volontaire dans l’armée française. Après la débâcle, il est emprisonné à plusieurs reprises puis participe à la lutte clandestine à partir de 1941. En février 1943, il rejoint les FTP-MOI dont il devient le commissaire technique en juillet 1943.

Au sein des FTP-MOI, il retrouve des Républicains espagnols, des militants antifascistes italiens, des communistes de culture juive ayant fui les persécutions et les pogroms partout en Europe, des Roumains, des Hongrois et tant d’autres étrangers encore. Il est alors sous les ordres de Joseph Epstein, le colonel Gilles, qui donna une nouvelle dimension aux actions militaires entreprises par les FTP en région parisienne.

Missak Manouchian est arrêté par la brigade spéciale de la préfecture de police de Paris le 16 novembre 1943 avec Joseph Epstein. Torturé pendant plusieurs mois, Missak ne parle pas. Il est fusillé au mont Valérien le 21 février 1944, avec ses vingt-deux camarades de l’affiche rouge.

« Vingt et trois qui criaient la France en s’abattant », comme l’a écrit Aragon.

Quatre-vingts ans après cette exécution, le projet de transfert de Manouchian au panthéon est une réalité. Il sera enfin rendu justice à la résistance communiste. Avec Manouchian entreront aussi au Panthéon tous ces étrangers morts pour la France.

Comme le disait Éluard :

« Si j’ai le droit de dire en français aujourd’hui,

Ma peine et mon espoir, ma colère et ma joie,

C’est que ces étrangers, comme on les nomme encore,

Croyaient à la justice, ici-bas, et concrète.

Ils avaient dans leur sang le sang de leurs semblables.

Ces étrangers savaient quelle était leur patrie. »

Avant son exécution, Manouchian écrivit à son épouse : « je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la liberté sauront honorer notre mémoire dignement ». Cette phrase sublime exprime ce moment historique de la fusion entre l’internationalisme et le patriotisme. Manouchian et tous ses compagnons d’armes tombaient pour un idéal universel de justice et de paix, mais ils défendaient aussi les armes à la main la France des Lumières, la France de Valmy et de la Révolution, la France des « jours heureux » du Conseil national de la résistance.

Lors de son procès, Missak Manouchian avait dit à ses juges : « Vous avez hérité de la nationalité française, nous, nous l’avons méritée ». Alors que de nouveau renaissent les thèses raciales d’une nation fondée sur le sol et le sang, faisons du transfert de Manouchian au Panthéon le moment populaire de la réaffirmation de la nature politique de la nation française. Avec Manouchian rappelons que la France est plus grande qu’elle-même quand elle défend un projet de justice, de liberté et d’émancipation pour toute l’humanité. »

 

J’ai assisté en fin d’après-midi au vernissage de l’exposition sur le groupe Manouchian dans le hall du Cinéplanet d’Alès.

C’est mon camarade Michel Katchadourian qui a contribué à cette belle exposition. La section locale du Pcf a organisé toute une série d’événements pour honorer la pantheonisation de Mélinée et Missak Manouchian.

 

La contribution des communistes dans la résistance est enfin officiellement honorée par cette pantheonisation.